« Dans la mondialisation, qui mondialise et qui est mondialisé ? Qui est le sujet et qui est l’acteur ? » Joseph Ki Zerbo, historien et homme politique burkinabé
Etant en incapacité de porter des réformes ambitieuses de son système éducatif, le Gabon s’est toujours contenté des directives et résolutions portées par des organismes internationaux pour orienter les politiques majeures dans le domaine de l’enseignement. L’UNESCO, en tête de fil, ou encore l’OIF (l’Organisation Internationale de la Francophonie), l’AFD (Agence Française de Développement), l’ADEA (Association pour le Développement de l’Education en Afrique fondée par la Banque Mondiale) sont les organismes à l’origine d’évolutions majeures dans le domaine de l’Education. Comprennent-ils mieux que nous nos problèmes dans le domaine de l’enseignement ? Sont-ils les mieux placés pour organiser l’évolution de l’école en Afrique ?
Dans les années 1960, en plus des besoins d’adaptations des systèmes éducatifs (qui vont être abandonnés ou relégués au second plan), l’UNESCO positionne au rang de priorité l’accès à l’éducation de base pour tous. L’Etat gabonais suit le mouvement et fait passer la loi N° 16/66 du 09/08/1966 dont l’objectif principal est de garantir et faciliter l’accès à l’école. Quel intérêt de déployer à grande échelle un enseignement non réformé et façonné par le colonialisme.
Dans les années 1970 et 1980, l’UNESCO a soutenu la priorisation du développement de l’enseignement technique et professionnel. Le but affiché est de préparer les jeunes à intégrer le marché du travail. Le Gabon emboîte le pas. Le lycée technique national Omar Bongo est fondé à la fin des années 70, les états généraux de l’éducation de 1983 ont comme priorité, l’adéquation entre l’enseignement professionnel et les besoins du marché du travail.
Depuis les années 2010, ce sont les Objectifs de Développement Durables (ODD) portés par l’ONU qui ont une influence importante dans les évolutions de l’éducation au Gabon. Les nouveaux objectifs pour l’éducation sont la promotion de l’égalité homme-femme et la lutte contre les discriminations dans l’enseignement, la promotion de l’entrepreneuriat, la promotion d’une école plus mondialisée, la préservation de l’environnement. Là encore, le Gabon emboîte le pas. Depuis quelques années, la promotion de l’entrepreneuriat est devenue un sujet prioritaire dans le domaine de l’éducation. En 2022, Camélia NTOUTOUME-LECLERCQ, ministre de l’Education Nationale, annonçait une série de 33 mesures, dont certaine étant destinées l’éducation, issues de la stratégie d’égalité homme-femme menée par le gouvernement. Dans la même période, l’initiation à l’éducation environnementale a été annoncée dans les nouveaux programmes d’enseignement.
PS. : les points listés ci-dessous n’ont pas pour but de critiquer de manière fortuite les évolutions apportées à l’école gabonaise. Bien sûr qu’il est important de disposer d’un enseignement technique et professionnel. Il est important rendre accessible l’éducation au plus grand nombre, cependant le contenu de l’enseignement est d’une importance au moins égale. Pour nous, ce qu’il y a d’inquiétant est le fait que les évolutions importantes et l’orientation de l’école gabonaise soient le résultat de décisions prises par des institutions qui sont déconnectées des intérêts nationaux, dont les intérêts incitent à se poser des questions et dont on peut douter des bonnes intentions. Le tout sans considération pour la culture, l’histoire, les problèmes et les aspirations des gabonais. De la même manière qu’il n’existe pas de modèle politique qui soit universel et duplicable dans toutes les cultures et à tous les peuples. Il n’existe pas de modèle économique qui soit universel et duplicable dans toutes les cultures et à tous les peuples. Un modèle d’enseignement unique ne peut convenir à tous peuples et à toutes les nations de la même manière, d’où l’importance de penser l’éducation localement suivant les besoins spécifiques du pays avant de se tourner vers l’extérieur.
« La main qui donne est celle qui ordonne. » proverbe populaire
Il y a un dicton assez populaire qui dit « La main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. » (Traduction : Celui qui donne a le pouvoir sur celui qui reçoit). C’est ce qui nous vient à l’esprit quand on s’intéresse aux financements des projets annoncés par le Ministère de l’Education Nationale. Le Gabon dépend énormément de fonds étrangers pour financer les réformes, l’infrastructure et lois dans le secteur de l’éducation. En 2016, l’AFD accorde un prêt de 100 milliards de FCFA au Gabon pour la construction de nouvelles salles de classe. La même année 100 millions de $ (soit 59,3 milliards de FCFA) sont accordés par la Banque Mondiale pour le renforcement de l’enseignement professionnel. En 2022 la Banque Africaine de Développement (BAD), accorde un prêt de 84,63 millions d’€ (soit 56,9 milliards de FCFA) pour le renforcement de l’enseignement technique et professionnel. Le financement étranger peut ne pas être un problème, sauf quand le bailleur vient avec un agenda et des injonctions déjà définis à l’avance. Question de souveraineté nationale.
En 1982, le financement d’un projet de réformes issues de recommandations de l’UNESCO était assorti de conditions telles qu’un contrôle des bourses d’études, de la gestion des crédits de fonctionnement des établissements scolaires ou encore un contrôle du processus d’appels d’offres pour la réalisation des marchés et conventions. Quel intérêt pour l’UNESCO d’avoir un contrôle sur les prestataires choisis par l’Etat Gabonais ? Plus récemment depuis les années 2010, les financement d’organisations telles que l’AFD, le FMI ou la Banque Mondiale sont régulièrement assortis de conditions et d’indicateurs allant dans le sens des Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU.
Ce mode de financement est régulièrement critiqué par certains dirigeants africains qui le perçoivent comme une forme d’ingérence dans les affaires internes de pays africains. Amadou TOUMANI TOURE, président du Mali entre 2002 et 2012, déclarait dans ce sens : « Le FMI a exigé que nous gelions le recrutement des instituteurs et des professeurs de lycée afin que nous puissions mieux maitriser la masse salariale… Or, au fil des années, nos infrastructures scolaires se sont développées et nos besoins ont été revus à la hausse ; nous avons donc été contraints de recourir à des contractuels » une manière de critiquer la politique d’austérité et de contrôle des dépenses dans l’enseignement imposée par le FMI.
A suivre…
Par Leynart MASSIMBA
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